Wednesday, January 30, 2013

01/30 Getting back to nothing.



            Notre existence est une architecture mentale, un lieu impalpable dont on peut changer la décoration à loisir, mais dont l'importance en fin de compte, sera uniquement la valeur du temps  passé en son intérieur. Il y à de ces choses qui nous sont propres, mais que l'on peut donner aux autres, le Soi dans son caractère éternel et immuable, nature intrinsèque, bien loin du jugement humain éphémère et restrictif.
           Ce qui nous restera dans le trou noir de cette célébrité à échelle limitée qu'est le monde social, ce sera notre globalité, le goût que nous aurons donné aux autres "en gros", une définition de nous-même hors de l'évènement au singulier, en conjugaisons à la troisième personne.
Sans doute ça, le souvenir.

Souvenir? Aie. J'ai toujours eu du mal avec ce mot.

             Se souvenir, est-ce que c'est garder en mémoire, ne jamais oublier?
Ou au contraire retrouver quelque chose de perdu? Est-ce le quelque chose, l'objet qui va nous aider à nous souvenir d'un évènement ou l'évènement en lui même? Est-il vécu comme un nom ou comme un verbe. Et dans chacun des cas est il concret ou abstrait?

               Ces considérations grammaticales mises de côté, et laissées à l'appréciation et au jugement de chacun, je dirais que d'avantage que cela il serait, plus que d'être légitime, nécessaire, de se poser la question de son impact. Est-il une bénédiction pour l'homme ou le plus grand de ses malheurs?
Tout dépend, l'homme je crois, ne pourrait pas continuer à vivre s'il les gardait tous, mais n'aurait aucune raison de vivre s'il n'en avait aucun.

Août 1993. Matinée.
Kram, Banlieue de Tunis. Tunisie.

Nous sommes un groupe de 7,8. Frères, soeurs, cousins. Le voisin Majdi et son petit frère nous accompagnent un peu vaguement aussi. Nous sommes seulement des enfants, aucun adulte avec nous et nous sommes à mi-chemin entre la maison et la plage. Je marche sur des briques qui forment le rebord étroit d'un trottoir en construction. Comme un équilibriste qui ne se tenterait que  sur ces 10 centimètres de hauteur, jeu juste amusant sans prétention aucune.
Je porte un T-shirt rose foncé aux motifs dessinés dans un délavage à l'eau de Javel. Sans doute une tentative un peu cheapo-hippie d'estampe sur tissus à la Japonaise, ou pas. En bas, un short. Je ne me souviens pas de ce que je portais aux pieds, possiblement rien car me battant souvent pour.

Le chemin de pierres et de sable que nous empruntions sortis de la maison se transformait un peu avant l'arrivée, subitement en route goudronnée. Juste après les rails du train partant vers Tunis. Et partir pied nus nous obligeait à nous mettre à courir, sur toute la longeur de cette surface asphalteuse brûlante, qui constituait ce dernier quart de chemin nous séparant de la plage, et ainsi, dans une logique enfantine de capes et d'épées locales, nous faisait arriver à destination plus vite.

Je marchais donc, j'étais de notre petite bande celle marchant le plus sur la droite et pourtant la seule sur le trottoir. Le soleil frappait généreusement mon petit corps maigre, la température était juste parfaite. Il n'y avait rien mais tout, tout pour que les yeux rivés vers le sol sur ma petite entreprise funambulesque inconsciente je me dise baignée de chaleur: "Je suis heureuse".
Puis me redire: "Maintenant, je suis heureuse". Comme pour me jurer le penser vraiment, comme un amant faisant une déclaration à l'objet de son amour heureux et coupable de tellement l'être.

Je ne sais pas ce qu'est le "bonheur", je ne sais pas ce que sera ma vie future, je ne sais pas ce dont je ferais l’expérience  ce qui me rendra plus heureuse ou triste, je ne sais rien encore, mais là je suis dans un état de plénitude extrême, je suis heureuse, je n'ai besoin de rien, ni ne manque de rien. Je suis juste parfaitement heureuse, et ça je pourrais m'en souvenir éternellement.

Et c'est ce moment bête, insignifiant, stupide bref mais réaliste, dont je me suis toujours souvenue comme étant le moment le plus "heureux de ma vie".

No comments:

Post a Comment